La lunette que Galilée confectionne en ce mois d'octobre 1609 consiste en un tube principal muni de deux logements destinés à accueillir l'objectif et l'oculaire. La longueur totale de cette lunette atteint 927 mm. L'objectif est une lentille plan-convexe, convergente, d'un diamètre de 37 mm diaphragmée à 16 mm avec une longue focale de 980 mm. L'oculaire est une lentille plan-concave, divergente, d'un diamètre de 22 mm et de longueur focale -47,5 mm. Ces caractéristiques lui confèrent un grossissement de 21, soit 10 fois plus que la lunette hollandaise, et un champ de vue en pleine lumière compris entre 8' et 18' d'angle selon le diamètre de la pupille de l'observateur (entre 3 et 6 mm).
Sans le savoir, Galilée va alors donner l'impulsion déterminante à l'astronomie d'observation. Le 25 octobre 1609 à Florence, en dirigeant vers le ciel cette lunette aux contours mal délimités, Galilée observe les cratères de la Lune ainsi que Jupiter et ses quatre satellites pour la première fois. Sur proposition du prince Feredico Cesi, fondateur de l'Academia dei Lincei (Académie des Lynx). il nommera son innovation telescopium en 1611.
Pourquoi Galilée a-t-il choisi cette combinaison de lentilles ? Dans l'Essayeur (1623), Galilée explique qu'il expérimente, sans pousser plus loin la théorie. Ses connaissances en optique sont très superficielles. Il sait ce que l'on savait à l'époque:
les lentilles convergentes grossissent les objets visibles éloignés, mais en donnent des images floues,
les lentilles divergentes rapetissent ces objets visibles, mais en donnent des images nettes.
Pour choisir le grossissement, il fallait trouver les deux courbures adéquates : une grande pour le convexe et une petite pour le concave, avec bien sûr une infinité de solutions. Les limites étaient fixées par les possibilités technologiques de l'époque: outils et qualité de surfaçage des verres, homogénéité et transparence des verres. Il ne cherche donc pas à innover ou à développer une théorie de l'optique géométrique.
Même si Galilée n'est pas à proprement parler l'inventeur de la lunette et du télescope, il a été un essayeur (saggiatore), comme il le dit lui-même. Il a recherché la lunette astronomique par la voie du raisonnement (per via di discorso, Il Saggiatore, 1623). Cela signifie qu'il a su être un expérimentateur habile, apprenant à connaître le principe profond de la lunette de manière à le maîtriser suffisamment pour aboutir empiriquement aux performances qu'il recherchait. Il va néanmoins créer un instrument scientifique, car précis et optimisé. Par rapport aux instruments astronomiques précédents, c'est un instrument d'un nouveau genre donnant à voir ce que notre œil ne peut même pas percevoir. Il ouvre les portes de l'invisible, brise les apparences et va révolutionner ainsi toute la démarche scientifique tant dans ses méthodes que dans ses objets.
Dans ses essais, même si aucun document n'en atteste, il est permis de penser qu'il a également testé une combinaison avec oculaire convergent. Mais l'encombrement supérieur de cette combinaison et surtout la production d'une image inversée l'en auraient découragé. En effet, ses intentions premières visent plutôt à des applications militaires dans le domaine maritime et terrestre et ne sont pas liées à des préoccupations astronomiques. Du fait du contexte de méfiance à l'égard des lentilles accusées de distordre la réalité, présenter une image droite et non renversée était une garantie de fidélité à la réalité, car Galilée n'était pas en mesure de faire appel à une théorie optique rigoureuse et reconnue.